1.5.89

Crimson Glory, derrière les masques

Cachés derrière des masques vénitiens un brin kitschs, les cinq de Crimson Glory livrent un magistral second album de metal progressif : "Transcendence". À l’occasion d’un concert à Paris, Jon Drenning, le guitariste en chef, nous parle de la carrière du groupe et nous explique plus en détail le concept musical de cette formation originaire de Floride.


Qu’est-ce qui vous a poussé à choisir le nom de Crimson Glory (ndlr : une variété de rose) ?
Jon Drenning : Nous voulions un nom original pour le groupe, pas comme toutes ces formations de heavy metal ou de hardcore qui ne font pas dans l’originalité. Nous cherchions un nom qui soit différent du style musical auquel on appartient, quelque chose qui change l’image habituelle qui colle à ce style de musique.
Justement, à ce titre, es-tu capable de donner une définition du style musical de Crimson Glory ?
On peut dire que nous pratiquons une sorte de hard rock progressif avec des passages heavy, des mélodies et des émotions. Pour moi, la musique, c’est avant tout la mélodie et l ‘émotion que tu peux transmettre lorsque tu interprètes une chanson.
Quels sont les groupes qui vous ont influencé au moment de la création de Crimson Glory ?
Je dirais principalement Queen, Pink Floyd, Rush, d’une certaine manière, même si je les trouve trop progressifs, Led Zeppelin et Judas Priest, Iron Maiden, Scorpions. Ce sont principalement des groupes de hard rock mais ils ont tous conservé une certaine musicalité, comme Queen, par exemple, qui est depuis longtemps l’une de mes formations favorites.
Vos influences musicales sont donc en Europe.
Oui, absolument. Il n’y a pas beaucoup de groupes américains qui nous ont influencés d’une façon directe comme c’est le cas pour les formations que je t’ai citées. Je pense que Crimson Glory a surtout été influencé par les groupes US pour le côté visuel mais nos racines musicales sont en Europe. Je pense que ces deux éléments font une bonne combinaison.
Peux-tu nous parler des débuts proprement dits du groupe ?
Crimson Glory a été formé en 1980 par Ben Jackson (guitare) et Dana Burnell (batterie). C’est en 1981 que je les ai rejoints car j’habitais dans le même quartier qu’eux et qu’ils appréciaient mon jeu de guitare. En 1982, Jeff Lord (basse) est arrivé et, un an plus tard, John "Midnight" MacDonald a rejoint la formation au poste de chanteur. Au départ, le groupe portait le nom de Pierced Arrow mais nous l’avons changé pour celui de Crimson Glory car nous trouvions que cela collait mieux à notre style musical.
Comment avez-vous réussi à décrocher un contrat ? Avez-vous enregistré une démo auparavant ?
Oui, nous en avons enregistré une. Avant de réaliser notre premier album en 1986, nous avons été ensemble durant cinq ans et nous n’avons jamais joué en dehors de notre local. Nous répétions chaque soir dans une maison car nous avions un boulot dans la journée. Nous avons donc passé beaucoup de temps et dépensé pas mal d’argent pour réaliser notre première démo qui nous a permis de décrocher un deal.
Est-ce que le fait de venir de Floride était un handicap ?
Cela n’a pas eu d’influence directe sur notre parcours. A nos débuts, nous ne faisions pas de reprises comme tous ces groupes qui viennent de Los Angeles ou New York. Ils peuvent se roder sur des reprises en jouant dans les bars ou les clubs, mais, ici, en Floride, il n’y a pas d’endroit où l’on peut être programmé régulièrement. Les premiers concerts que nous avons donnés se sont déroulés en Europe, en première partie d’Anthrax, Metallica ou Metal Church. Crimson Glory n’a donc pas commencé à jouer devant trois ou quatre personnes mais face à 4 000 personnes. C’était assez drôle et différent d’un parcours classique.
Comment en êtes-vous arrivés à signer sur le label Roadracer aux Etats-Unis ?
C’est lors d’un Midem, un salon identique à celui que vous avez en France, qu’un type nommé Dan Johnson a écouté une démo de Crimson Glory qui avait été pressée en Europe par Roadrunner. Aujourd’hui, deux ans plus tard, nous avons signé avec Roadracer aux USA, qui est distribué par MCA. Le label sur lequel nous étions était trop petit et il n’avait pas les moyens de nous pousser. À l’origine, nous devions signer sur une major américaine mais, finalement, nous avons choisi Roadracer car nous étions un groupe prioritaire pour eux. Certaines majors signent des groupes mais ne s’occupent pas de leur promotion, elles préfèrent se consacrer aux gros vendeurs comme Michael Jackson ou Madonna, par exemple. Nous avons préféré éviter ce genre de désagrément en rejoignant Roadracer.
Quelles ont été les conditions d’enregistrement de votre deuxième album, "Transcendence" ?
Cela nous a pris quatre mois et demi pour réaliser ce disque. Il a été produit par Jim Morris et nous avons eu beaucoup plus de temps et d’argent pour le réaliser, ce qui nous a permis d’améliorer la production. Le prochain album sera certainement enregistré en Europe, en Norvège, peut-être. Il va falloir que l’on s’habitue à un autre climat que celui de la Floride (rires).
Comment vois-tu l’évolution musicale du groupe par rapport au premier album ?
Il y a une vraie évolution au niveau de la production mais cela reste du Crimson Glory. Sur "Transcendence", les chansons et les arrangements sont meilleurs. Il y a plus de parties acoustiques et plus d’émotions. Mais, j’aime les deux albums.
Des titres comme "Transcendence" ont été conçus il y a quelques années, pourquoi les avoir inclus dans ce disque ?
Ce morceau a été écrit par Midnight avant qu’il ne rejoigne Crimson Glory. Auparavant, il n’avait aucune idée de ce qu’était le hard rock, c’était un hippie qui jouait de la guitare sur les plages, dans les parcs. Voilà comment était John. Nous avons voulu qu’il vienne chanter avec nous car il a une voix fantastique et pleine d’émotion. "Trascendence" est assez mystique, dans l’esprit de certains titres de Led Zeppelin.
"Red Sharks" parle de la politique de l’URSS. Que penses-tu de la nouvelle orientation donnée par Gorbatchev ?
Ce titre ne reflète pas vraiment le point du vue du groupe. Suite à notre seconde tournée en Europe, nous sommes revenus aux States pour négocier un nouveau contrat. Nous avons eu un accident et notre matériel a été détruit. Nous avons passé beaucoup de temps à tourner en rond, à écrire des chansons, à regarder la télé et à être influencés par la propagande politique américaine. "Red Sharks" est donc le point de vue des médias américains sur ce pays. Au sujet des thèmes abordés, nous ne voulons pas nous limiter afin de toujours susciter l’intérêt du public. Pour ce qui est de la nouvelle politique en URSS, je pense qu’il y a un mieux. Les gens ont plus de liberté pour faire ce qu’ils veulent. J’espère que cela va s’améliorer dans le bon sens.
Quels sont vos thèmes de prédilection lorsque vous écrivez des paroles ?
Nous essayons d’inclure dans nos chansons une dimension horrifique. J’ai lu pas mal de livres sur la métaphysique, la philosophie, sur la vie après la mort, donc nos paroles abordent tous ces sujets un peu bizarres. Puis, nous essayons de faire en sorte que la musique soit en adéquation avec les mots.
Penses-tu que Crimson Glory jouera un jour sans masques ?
Un jour, peut-être, nous les abandonnerons. Pour l’instant, nous essayons de créer un climat mystique autour du groupe, c’est ce qui fait son originalité.
Propos recueillis par Laurent Gilot en mai 1989

Photo : DR


Crimson Glory "Transcendence" (Roadrunner)
www.myspace.com/crimsonglory

AddThis Social Bookmark Button
Crimson Glory :: Lonely :: Video